17 Février 2018
Art de Khalil Gibran - Amour
L’Amour dans l'œuvre poétique " Le Prophète" de Khalil Gibran
Une femme dont le nom était Al-Mitra sortit du sanctuaire. Et C’était une prophétesse.
Et il la regarde avec une infinie tendresse, car elle avait été la première à le suivre et à croire en lui, alors qu’il était à peine depuis un jour dans leur cité.
Et elle le salua, disant :
Prophète de Dieu, en quête du bien suprême, tu as longtemps cherché au loin de ton navire,
Et maintenant ton navire est venu et tu dois partir, il le faut.
Profonde est ta nostalgie pour le pays de tes souvenirs et de la demeure de tes désires les plus élevés ; et tu ne seras pas lié par notre amour, ni retenu par nos besoins.
Dans ta solitude, tu as contemplé nos journées, et dans tes veilles, tu as prêté l’oreille aux pleurs et aux rires de notre sommeil.
A présent révèle-nous donc à nous-mêmes et dis-nous tout ce qui t’a été montré de ce qui existe entre la naissance et la mort.
Et il répondit :
Peuple d’Orphalese, de quoi parlerais-je, parler sinon de ce qui encore maintenant, se meut dans vos âmes ?
Alors Al-Mitra dit : parle-nous de l’Amour.
Et il leva la tête et posa son regard sur le peuple, et un silence tomba. Et d’une voix puissante, il dit :
Quand l’amour vous fait signe de le suivre, suivez-le,
Bien que ses chemins soient rudes et escarpés.
Et lorsqu’ il vous étreint de ses ailes, abandonnez-vous,
Bien que son épée cachée dans ses pennes puisse vous blesser.
Et quand il parle, croyez en lui,
Bien que sa voix puisse briser vos rêves comme le vent du nord dévaste un jardin.
Car de même que l’amour vous couronne, il vous crucifiera. De même que vous lui devez de croître, vous lui devrez d’être élagué.
De même qu’il s’élève jusqu’à votre hauteur et caresse vos branches les plus délicates qui frémissent au soleil,
Il descendra jusqu’à vos racines et les secouera là où elles s’accrochent à la terre.
Comme des gerbes de blé, il vous assemble en lui.
Il vous bat pour vous dénuder,
Il vous passe au tamis pour vous libérer de votre bale.
Il vous passe au moulin jusqu’à vous blanchir.
Il vous pétrit jusqu’à vous rendre malléable ;
Et alors il vous livre à son feu sacré, afin de faire de vous le pain sacré du festin sacré de Dieu.
Toutes ces choses, l’amour les fera en vous afin que vous puissiez connaître les secrets de votre cœur et, les connaissant, devenir une parcelle du cœur de la vie.
Mais si dans votre frayeur, vous ne cherchez que la paix de l’amour et les plaisirs de l’amour,
Alors, il vaudrait mieux, pour vous, couvrir votre nudité et quitter l’aire de battage de l’amour,
Pour un monde sans saisons où vous rirez, mais pas tous vos rire, et pleurerez, mais pas toutes vos larmes.
L’amour ne donne rien que lui-même et ne prend que de lui-même.
L’amour ne possède et ne peut être possédé ;
Car l’amour suffit à l’amour.
Si vous aimez, vous ne direz pas: « Dieu est dans mon cœur », mais plutôt : « Je suis dans le cœur de Dieu.»
Et ne pensez pas que vous pourrez diriger le cours de l’amour, car l’amour, s’il vous en trouve digne, dirigera le vôtre cours.
L’amour n’a que seul désir que de s’accomplir.
Mais si vous aimez et que vous devez avoir des désirs, que tes désirs soient ceux-ci :
Fondre et couler comme un ruisseau qui chante sa mélodie à la nuit,
Connaître la douleur d’un trop plein de tendresse,
Être blessé par votre propre idée de l’amour,
Et saigner de votre plein gré et avec joie.
Se réveiller à l’aube avec des ailes au cœur et des actions de grâce pour cette nouvelle journée d’amour ;
Se reposer à l’heure du midi et méditer les transports de l’amour ;
Rentrer chez soi à la tombée du jour avec reconnaissance ;
Et s’endormir alors avec une prière au cœur pour le bien- aimé et un chant de louange sur tes lèvres.